Je suis vieux et con.

Publié le par Hurleur

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             A 18 ans on se croit invincible, on sait que les tuiles vont se désolidariser du toit pour venir s'encastrer au plus profond de sa petite boite cranienne. Mais alors? On court sur une barricade pour ouvrir grand ses bras et se faire cribler de plomb. Un certain romantisme révolutionnaire qui aurait fait vomir ce bon vieux Joseph, Proudhon j'entends. On écrase le monde, ce serpent venimeux et engraissé, d'un coup de talon. Tout est dans ce coup de talon. On pense beaucoup mais mal. Le futur est encore une grande page blanche, alors on crache dessus. Ce qui compte c'est la goutte qui tombe du robinet pour venir s'écraser sur l'alluminium dans une grande symphonie, c'est la cigarette qui se consumme et qui permet à ses volutes de danser une dernière valse avant de s'évanouir dans les airs. La beauté d'un reflet sur un escarpin vernis. La beauté d'un quai, d'un wagon de RER, d'une flaque d'eau dans un lieu hermetiquement clos. Dans l'esthétisme est la perversion. On admire le monde alors qu'on devrait le haïr, et en l'admirant on l'enlaidit encore plus, mais qu'est-ce qu'il va devenir? Une flaque de sang séchée sur le visage d'une jolie fille.

Quand on agit, on agit vite. Pour l'immédiat. On veut voir les effets tout de suite, ça pourrait avoir un côté handicapant dans une sexualité commune.

 

"Elles sont belles ces filles avec leurs boucles."

"Je les préfère raides."

"C'est relativement normal pour toi."

"Ouais, parce que vu la tienne..."

"Je t'emmerde. Elle est raide."

"Arrête de te foutre de ma gueule."

"Regarde-la un peu."

"Non ça me ferait vomir."

"Salope."

"Pédale impuissante."

A 17 ans j'étais éthylisé H24. J'ai pris des ascenceurs plutôt beaux. J'ai regardé quelques étages. Y'en a un qui s'est ouvert mais je l'ai vite refermé. J'aurais peut-être pas du. J'aurais du aller au septième. A la place je suis descendu à la cave. Vider quelques bouteilles.

Y'avait une fille avec qui j'étais. Je me rappelle plus bien ce qui s'est passé. Je devais dormir avec elle. Je lui ai peut-être éclaté la gueule. Je voulais pas lui faire mal. Je crois qu'elle m'en a voulu. Je me suis endormi en pensant à elle. Tout seul dans mon lit. Et je l'ai plus revue.

A 16 ans j'étais amoureux d'une fille. Je suis allé chez ses copains une fois. Je l'ai perdue dans la foule. Tout se mélait dans ma tête. Je savais plus de quel côté aller. Je la retrouvais plus. J'étais seul. Alors j'ai commencé à insulter ses amis, à gueuler que soit je les tuerais lentement soit je me créverais, étouffé de haine. Je me suis peut-être battu, ou pas, toujours est-il que quand j'ai tout pourri et qu'elle est venue se coucher à côté de moi, un peu énervée, la seule chose que j'ai su lui dire c'est "salope". On a cassé au matin J'ai jamais revu ses connards de potes.. Après on s'est remis ensemble. Mais c'était plus pareil.

A 15 ans on s'était mis une caisse. Je connaissais pas les filles avec qui on était. On vomissait et on s'embrassait tous les quatre. C'est un souvenir étrange. Une des filles s'appellait Cunégonde.

"Je t'aime."
"Moi aussi."

"Moi plus que toi."

"Je ne pense pas."

"Je dois dormir."

"Raccroche."

"Non toi."

...

Y'a environ un an, j'étais dans le même lit qu'une fille, j'arrivais pas à lui faire l'amour. Je sais pas pourquoi, pourtant je la désirais à mort.

Tout passe. Et c'est passé. Assez rapidement.

A 14 ans j'étais raide d'une fille pour la première fois, je l'ai ramenée chez mon frère quand il était pas là. Un petit meublé qui puait le shit. J'ai commencé à la deshabiller, on se frottait l'un à l'autre. Elle m'a bandé les yeux avec un t-shirt. Une douce chaleur s'emparait de mon corps grâce à cette idée perverse. Lorsqu'on a fini, elle me l'a retiré et m'a tranquillement expliqué que c'était pour imaginer que c'était quelqu'un d'autre. Je l'ai un peu mal pris. J'étais vexé, mais le jour où l'on s'est séparés elle m'a offert une offrande bucale, pour me dire au revoir. J'étais censé ne jamais la revoir.

A 13 ans ou à 14 ans, je ne sais plus, une fille me faisait m'épiler le maillot à la crème dans l'ascenceur d'un parking de RER.

Publié dans Vis ma vie

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J
Il y a là dedans, j'en suis sûr, une démarche néo-célinienne : "hurlement" sec et direct d'une histoire crue et sans concession à partir d'une réalité autobiographique fascinante... <br /> <br /> Hurleur, je vous aime. <br /> <br /> Jovialovitch... (un admirateur prêt à toutes les offrandes buccales repertoriées dans "la quadruple racine du principe de raison suffisante"...)
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E
Ah, une belle vie derrière toi - attention, peu encore et tu en parlerais de progéniture, de rêves d'avenirs ou de partis politiques pris - quelle honte - ça ne se fait pas, de la part d'un homme qui a choisi une trâme de page WEB aux titres et autres subtilités orange - subtile. Nan, ça ne se fait pas. C'est ainsi, on a dû te l'apprendre, te le dire, te le murmure doucement sous un t-shirt, une bande de cire épilatoire ou la plaque de tôle d'un ascenceur. Sous le ciel, sous les étoiles, sous la bénédiction parentale ou sous elle encore. L'as-tu seulement retenu ?<br /> <br /> Ah, moi, j'apprends, du haut de mes 14 ans - c'est bon à ssavoir - et rien ne sait gagne, ne se crée, les monstres se transforment, les bonnasses se révèlent.<br /> <br /> C'est bon à savoir,<br /> et si ça ne se fait pas, tant pis. Je calquerai mon éducation sur celle des gens de notre siècle.<br /> <br /> Pour ce qu'il reste à faire - parce que mine de rien, les offrandes buccales en guise d'adieux, c'est pas si rare que ça.<br /> <br /> Baisers.
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F
Et moi?
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